J’ai découvert l’allaitement par l’intermédiaire de mes soeurs que j’ai vu allaiter avec plaisir,
épanouies. J’ai moi-même été allaitée à une époque où peu de femmes le faisaient, époque d’une
pédiatrie très « dirigiste » où des règles strictes étaient imposées aux femmes, ce qui était peu
compatible avec un bon déroulement d’allaitement ; mais ma mère a tenu bon, en nous allaitant mes
frère et sœurs et moi-même, en appliquant son bon sens.
J’ai eu ensuite le plaisir d’allaiter mes 2 enfants,longuement, expériences d’allaitement qui ont
enrichi mes connaissances sur le sujet, et qui m’ont permis d’établir un lien avec ma profession de
médecin : je me suis rapidement rendue compte de mes faibles connaissances sur un sujet aussi
important ! J’ai donc décidé de me former sur le sujet, et j’ai passé le Diplôme Universitaire
« allaitement maternel et lactation humaine » à la fin de mon congé parental ; dans le but de
dispenser des consultations d’allaitement ; ce que je fais désormais depuis 14 ans environ, activité
qui s’intègre tout-à-fait dans mes consultations de médecine générale.

Pourquoi allaiter ?

Parce que c’est la norme de notre espèce !

Je vais peut-être choquer ou en faire bondir certains ou certaines en affirmant que nous sommes
des mammifères ! Mais ce qui caractérise les femelles mammifères, c’est précisément le fait d’avoir
des « mamelles » (des seins donc dans l’espèce humaine) dont le but est précisément de nourrir ses
petits !
Le lait maternel est considéré comme étant « l’étalon-or » de l’alimentation du nourrisson, c’est à
dire la référence nutritionnelle optimale pour le bébé. Il n’y a pas mieux !… Il existe une multitude
d’études qui le démontrent, et régulièrement les chercheurs découvrent un bénéfice nouveau de telle
ou telle molécule présente dans le lait maternel. D’ailleurs, les laboratoires de recherche des laits
industriels rajoutent dans le lait artificiel des molécules bienfaitrices présentes dans le lait maternel,
afin d’augmenter la valeur nutritionnelle de ces laits, qui resteront, malgré toutes ces
transformations, bien inférieurs sur le plan nutritionnel au lait maternel, qui est un produit
biologique vivant.

Parce que l’allaitement permet un « maternage proximal » :

Les bras de la mère, et le contact avec les seins peuvent être considérés comme l’habitat du petit
humain, qui est un être très immature (contrairement aux autres petits mammifères qui peuvent déjà
se mettre debout et marcher dés la naissance) ; ces bras, ce contact physique, cette chaleur corporelle
ont un rôle de protection contre l’extérieur qui peut être agressif (régulation de la température du
corps du bébé, alimentation, protection contre certains prédateurs (à l’époque préhistorique, et oui il
nous reste certains gènes !), protection contre les microbes,…)

Allaiter, c’est beaucoup plus que alimenter le bébé, c’est une réponse à tout inconfort du
nourrisson.

L’allaitement peut avoir un rôle de résilience après une grossesse ou un accouchement
particulièrement difficile. L’allaitement, « en baignant » la mère dans les hormones du maternage
(prolactine et ocytocine), peut permettre de recréer ou créer des liens avec son bébé, liens qui n’ont
pas eu le temps de se mettre en place, ou qui ont été rompus par une séparation précoce mère-enfant
pour des soins d’urgence par exemple… Ainsi, l’allaitement prévient les pathologies de l’attachement
(dépression du post-partum, psychose puerpérale).

Les bienfaits de l’allaitement maternel :

1. côté bébé :

l’allaitement permet au nourrisson d’acquérir une immunité optimale, d’abord par l’intermédiaire du
premier lait appelé colostrum, véritable concentré d’immunoglobulines et donc d’anticorps ; puis en
permettant une maturation optimale du système immunitaire du bébé, avec une protection
indispensable contre les microbes (bactéries, virus). Dans les pays en voie de développement,
l’allaitement protège les enfants de la mort ! Dans nos pays industrialisés, les enfants allaités sont
beaucoup moins hospitalisés pour des problèmes infectieux.
Les études confirment que si le nourrisson est nourri au lait artificiel, il a plus de risque de
développer ces infections avec aussi un risque de gravité plus importante :

➢ Diarrhées, entérocolites ulcéro-nécrosantes
➢ otites
➢ méningites chez les prématurés
➢ infections respiratoires, y compris bronchiolites
➢ urinaires
Il existe aussi un risque plus important à long terme, de développer :
➢ une obésité
➢ des allergies ou atopies
➢ des maladies cardio-vasculaires

Et aussi :
L’allaitement rend plus intelligent !

Depuis vingt ans, des études basées sur des tests standardisés montrent que les enfants nourris au
sein ont un meilleur développement intellectuel que ceux nourris au lait de substitution. Les
résultats sont encore plus significatifs chez les prématurés. L’effet est dose-dépendant : plus
l’allaitement exclusif est long (6 mois), meilleurs sont les résultats.

Déclaration de politique de l’Académie américaine de pédiatrie sur l’allaitement et
l’utilisation du lait humain (RE9729)
 » Les recherches épidémiologiques montrent que le lait humain et l’allaitement… induisent
une baisse significative de la prévalence de nombreuses maladies aiguës et chroniques. Les
études effectuées aux Etats-Unis, au Canada, en Europe et dans les autres pays occidentaux,
au sein de populations de milieu socio-économique le plus souvent moyen, ont nettement
démontré que l’alimentation par le lait humain diminue l’incidence et/ou la sévérité des
diarrhées, des infections respiratoires basses, des otites, des septicémies, des méningites
bactériennes, du botulisme, des infections urinaires et de l’entérocolite ulcéronécrosante.
De nombreuses études suggèrent que le lait humain puisse protéger vis-à-vis de la mort
subite du nourrisson, du diabète insulino-dépendant, de la maladie de Crohn, de la rectocolite
hémorragique, du lymphome, des pathologies allergiques et de diverses autres
pathologies digestives chroniques. Il semble aussi que l’allaitement permette un meilleur
développement cognitif « .
Et cette liste est loin d’être exhaustive!…
C’est pourquoi l’OMS recommande actuellement la poursuite de l’allaitement maternel au delà de 6
mois, complété par des aliments adaptés, au moins jusqu’à l’âge de 2 ans de l’enfant.

2.Côté mère :

Dés qu’il existe un problème , que ce soit du côté du nourrisson ou du côté de la mère, aussitôt
l’allaitement maternel est mis en cause, même si les problèmes n’ont aucun rapport avec
l’allaitement ! Et malheureusement l’allaitement est malmené, y compris par certains professionnels
de santé qui font courir hélas de fausses affirmations !

Exemples : L’allaitement fatigue car il puise sur les réserves de la mère : Faux.

Dans nos pays occidentaux, les mères se nourrissent correctement, d’aliments de bonne qualité
nutritionnelle, la plupart du temps. Le sur-poids acquis pendant la grossesse est habituellement
consommé pendant les premiers temps de l’allaitement. Si la mère ne perd pas de poids, c’est qu’il y
a des erreurs manifestes dans son équilibre nutritionnel, elle ne sera, de toutes façons pas en
carence !
Certaines mères maigrissent excessivement au début de l’allaitement (ce sont loin d’être les plus
nombreuses!…), ce sont souvent des mères qui n’ont pas pris beaucoup de poids au cours de la
grossesse, ou qui ne se nourrissent pas suffisamment ou qui ne consomment pas d’aliments de haute
teneur nutritionnelle. Il suffit de revoir avec elle leurs menus et de réadapter leur alimentation en
ajoutant des collations caloriques entre les repas.
L’allaitement permet l’apparition beaucoup plus tardive du retour de couches (réapparition des
premières règles après l’accouchement), ce qui prévient les pertes de sang pendant les premiers mois
(et parfois beaucoup plus chez certaines mères), d’où une remontée des réserves en fer et l’absence
d’anémie !
La fatigue est souvent mise sur le compte du sommeil haché du nouveau-né qui réveille sa mère
fréquemment pour téter. Cependant , de nombreuses études montrent que chez une mère qui allaite,
le sommeil est différent : l’endormissement de la mère se fait rapidement dans un sommeil profond
d’emblée, ce qui permet à la mère de récupérer beaucoup plus vite que si elle n’allaitait pas.

L’allaitement protège de l’ostéoporose : il existe au cours de l’allaitement une décalcification osseuse
transitoire qui est ensuite sur-compensée à l’arrêt de l’allaitement. Plus les femmes ont allaité
longtemps et plus elles sont protégées de l’ostéoporose !
L’allaitement a un rôle protecteur des mères sur la dépression du post-partum : les mères qui allaitent
font moins souvent une dépression du post-partum, et le sevrage précoce du nourrisson peut
signifier l’entrée dans une dépression.

Tous ces bénéfices de l’allaitement maternel ont lieu si cet allaitement se porte bien, et qu’il est
épanouissant pour la mère ! Pour certaines mères, si elles ne sont pas ou peu entourées, ou non
soutenues par leur conjoint ou leurs professionnels de santé, l’allaitement peut devenir difficile,
compliqué (douleurs, crevasses, mastites, abcès, mauvaise prise de poids du bébé, etc…), et peut
être vécu comme une situation stressante, voire participer à, ou entretenir, une dépression sousjacente…
D’où l’importance du rôle des professionnels de santé (médecins généralistes, sagefemmes,
pédiatres,…) dans l’accompagnement à l’allaitement, et la nécessité pour ces
professionnels de se former sur le sujet, pour permettre d’apporter aux mères des réponses concrètes
quand un problème survient. Il faut alors bien connaître la physiologie de l’allaitement, et le
comportement d’un nourrisson allaité, pour prodiguer les bons conseils et éviter le don de
compléments, qui vont rapidement mettre le doute sur la lactation de la mère, et aboutir
insidieusement mais rapidement au sevrage du bébé.

Heureusement, partout dans le monde, se développent des initiatives favorables à l’allaitement
maternel. Il existe depuis plusieurs années un label nommé : « Initiative Hôpital ami des bébés »,
qui se développe dans le monde. Les Hôpitaux qui le souhaitent peuvent solliciter une demande de
ce label, établi sur des critères précis ; si l’Hôpital qui y travaille atteint des chiffres suffisants, il
reçoit le label. Voici les critères évalués pour l’obtention du label :

1 Adopter une politique d’allaitement maternel formulée par écrit.

2 Donner à tous les membres du personnel soignant les compétences nécessaires pour mettre en oeuvre cette politique.

3 Informer toutes les femmes enceintes des avantages de l’allaitement maternel.

4 Laisser le bébé en peau à peau pendant au moins 1 heure et encourager la mère à allaiter quand le bébé est prêt.

5 Indiquer aux mères comment pratiquer l’allaitement au sein et entretenir la lactation, même si elles se trouvent séparées de leur nourrisson.

6 Ne donner aux nouveau-nés ni aliment, ni boisson autres que le lait maternel, sauf indication médicale.

7 Laisser l’enfant avec sa mère 24 h sur 24.

8 Encourager l’allaitement au sein à la demande de l’enfant.

9 Ne donner aux enfants nourris au sein aucune tétine artificielle ou sucette.

10 Encourager la constitution d’associations de soutien à l’allaitement maternel et leur adresser les mères dès leur sortie de l’hôpital ou de la clinique.

11 Protéger les familles des pressions commerciales en respectant le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel.

12 Pendant le travail et l’accouchement, adopter des pratiques susceptibles de favoriser le lien mère-enfant et un bon démarrage de l’allaitement.

 

En conclusion, j’aimerais pouvoir encourager toutes les mères à allaiter car les bénéfices sont
nombreux et le plaisir est grand! Parfois, certaines mères peu motivées initialement deviennent de
vraies « pros », et soutiennent ensuite activement l’allaitement maternel. Pour un allaitement
épanoui, sachez vous entourer de personnes compétentes sur le sujet !